Le Taillan-Médoc – centre-ville

Nicole habite le Taillan-Médoc depuis 40 ans avec son mari Michel. Elle est née malvoyante, puis est devenue non-voyante au fil des ans. Elle connait sa ville par coeur, marche dans les mêmes rues de cet îlot républicain à toutes saisons, se guide avec sa canne. Cette carte blanche est une déambulation urbaine avec elle, pour une autre perception de l’espace public et de son environnement, en suivant le même procédé mis en place ensemble : elle s’arrête, elle décrit, je photographie.
Depuis la déviation, il y a moins de circulation sur l’avenue de Soulac, elle s’aventure donc de nouveau seule dans la ville.
Nicole a développé une sensibilité accrue. Le bruit des chantiers couvre le celui des feuilles dans le parc mais le son du clocher de l’église l’aide à s’orienter.
La matière ou consistance des sols (bitume, herbe, cailloux, argile, etc….), les reliefs des trottoirs, les bandes de guidages au sol podotactiles, les différents aménagements urbains sont autant de repères pour faciliter les déplacements que les changements de températures, la présence de l’ombre, le gazouillement des oiseaux et l’intensité du vent qui porte les bruits.
L’odeur de l’herbe coupée, imaginer les reflets dans l’eau quand elle passe sur le petit pont en allant au parc du Vivier.
Il y a peu, Nicole a découvert les séances de Sylvothérapie , une pratique ancéstrale, elle prend des arbres à bras le corps, apprend à lâcher prise, pour calmer les souffrances intérieures, dit-elle. Elle peint aussi des natures mortes, des paysages et des forêts avec, en mémoire, des images lointaines d’avant, quand elle n’était « que » malvoyante, il y a longtemps.

Christophe Goussard (2023)